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carte postale guerre 14-18

Les enfants de la Patrie – 1870 /1939 – Expositions en trois volets

  • Volet 1 : Les enfants de la patrie (1870-1914)
    L’exposition montre comment l’éducation des enfants, à l’école et dans les familles, est marquée par l’intense patriotisme qui caractérise la société française après la défaite de 1870.
  • Volet 2 : La Patrie en danger (1914-1918)
    L’exposition montre comment les enfants participent à l’élan patriotique qui unit la nation durant la Grande Guerre. 
  • Volet 3 : Petits Français, n’oubliez jamais ! (1918-1939)
    La Grande Guerre continue à peser sur la génération de l’après-guerre.

A consulter : la présentation des 3 expositions itinérantes «  Les enfants de la Patrie » sur le site du musée national de l’éducation.

Les enfants de la Patrie (1871-1939)

Le Musée national de l’Éducation (Munaé) inaugure un espace nouvellement aménagé pour les expositions dossiers, au rez-de-chaussée de la rue Eau-de-Robec, avec une série de 3 expositions, « Les enfants de la Patrie (1871–1939) ». Pourvu de 12 vitrines et de 6 cimaises, cet espace de superficie réduite (60 m2) s’est prêté à un découpage en 3 expositions successives, conformément à la logique du sujet, qui met en évidence la césure forte que représente la Grande Guerre.


La trilogie « Les enfants de la Patrie » (Commissaires : Yves Gaulupeau et Claude Rozinoer), labellisée par la Mission du centenaire, regroupe autour du thème commun de l’éducation patriotique une suite de 3 expositions dossiers :

1. Vive la Patrie ! (1871-1914) du 6 décembre 2014 au 15 mars 2015

2. La Patrie en danger (1914-1918) du 21 mars au 28 juin 2015

3. « Petits Français, n’oubliez jamais ! » (1918-1939) du 4 juillet au 15
novembre 2015

Le Projet

Les célébrations liées au centenaire se sont multipliées depuis le printemps 2014. L’originalité des Enfants de la Patrie, outre leur centrage sur les enfants, ce qui va de soi au MNE, est de replacer dans un cadre chronologique plus vaste – des lendemains de la défaite face à la Prusse à la veille de la guerre contre l’Allemagne nazie – l’intrusion de la Première Guerre mondiale dans l’univers enfantin. Cette périodisation plus large a pour objet de montrer comment le paroxysme patriotique des années de guerre s’inscrit dans l’évolution d’une société dont les valeurs dominantes ne sont plus exactement les nôtres.


Les documents présentés amènent à nuancer l’idée d’une éducation foncièrement belliciste, tournée vers la reconquête des provinces perdues, et ralliée ensuite, après la Grande Guerre, à des idéaux pacifiques, voire pacifistes. Avant la guerre, l’Angleterre a longtemps été, aux yeux de beaucoup, l’ennemi héréditaire principal. Pendant la guerre, le conflit n’a pasété l’unique objet de l’enseignement. Après 1918, l’éducation au patriotisme n’a disparu ni des programmes, ni des pratiques.

Pour témoigner de la diversité des moyens utilisés pendant trois générations pour la formation patriotique des enfants, une soixantaine de documents a été sélectionnée pour chacun des volets. Tous sont tirés des collections du Musée national de l’Éducation, particulièrement riches pour cette période. Les affiches, photos, images, cahiers et manuels scolaires, jeux, jouets et livres pour enfants témoignent de la diversité des fonds du MNE.

Des QR codes placés sur les vitrines donnent accès à des catalogues d’images, permettant de doubler le nombre de documents communiqués. Ils peuvent être utilisés, soit à partir des téléphones mobiles des visiteurs, soit à partir de tablettes prêtées au public.

Pour ne pas encombrer l’espace visuel, les présentations écrites, sauf la désignation des objets exposés, sont placées hors des vitrines. Un livret d’accompagnement de 16 pages, illustré et en couleurs, apporte des commentaires vitrine par vitrine. Son texte, accompagné des images de tous les documents exposés, sera mis en ligne sur le site du musée à la clôture de chacun des volets, rendant possible une visite virtuelle.

Chacun des volets des « Enfants de la Patrie » donne lieu à une exposition itinérante constituée de 9 bâches, qui synthétise le contenu de l’exposition in situ. Chaque série de 9 bâches est disponible au moment du démontage de l’exposition.

Vive la Patrie ! (1871-1914)

On reproche souvent, de nos jours, à l’école de la IIIe République d’avoir fait subir aux petits Français un endoctrinement nationaliste et militariste les préparant à partir pour la guerre « la fleur au fusil ». Le sentiment patriotique est certes au coeur des écoles de la République. Aux yeux des Pères fondateurs, il a pour objet de fédérer la nation au-delà des conditions et des convictions individuelles. Mais la société partage très majoritairement la même dévotion, d’autant mieux ancrée que le traumatisme de la défaite de 1871 et de la perte de l’Alsace-Lorraine a été violent.

Objets et documents témoignent de ce choc. Les cartes dessinées dans les cahiers témoignent de ce que, quarante ans plus tard, l’amputation du territoire national reste du domaine de l’impensable. La diversité des solutions adoptées démontre aussi qu’il n’existe pas de directives officielles imposant une façon d’enseigner cette question : il n’y a pas là l’indice d’une propagande d’État destinée à préparer la Revanche.


Si les cahiers d’élèves proclament qu’il faut défendre son pays, l’incitation à prendre les armes pour reconquérir les provinces perdues y est plus rare que la dénonciation des horreurs de la guerre. L’école n’est pas belliciste mais elle s’attache à vanter les mérites de l’armée française à laquelle on n’impute pas la catastrophe de 1870. On insiste beaucoup sur la fierté retrouvée des citoyens-soldats, passant totalement sous silence la réticence d’une partie notable des officiers à accepter la République.

Pendant une dizaine d’années, une partie des élèves et futurs conscrits manoeuvrent dans les « bataillons scolaires ». Voulus par les républicains radicaux, les bataillons incarnent l’idéal du citoyen-soldat. Mais cette préparation militaire, trop précoce, est jugée peu efficiente et cède bientôt la place à des activités moins voyantes et plus durables : le sport, en particulier la gymnatique, mais aussi le tir scolaire que prolongent les sociétés de tir, en plein essor dans les villages.

La production parascolaire fait preuve d’un patriotisme plus agressif que l’école. De très nombreuses séries de couvertures de cahier, proposées avec succès par des éditeurs privés, illustrent la gloire militaire – passée, présente, voire future – de la France. Dans le même esprit, quantité d’images célèbrent l’alliance franco-russe.

Éditeurs et fabricants proposent aux familles, avec un succès croissant, des jeux et des jouets, des livres et images qui entretiennent le culte de l’armée et des trois couleurs. Les livres pour enfants n’hésitent pas à prôner la Revanche, ce que ne font jamais les manuels scolaires. La multiplication des jouets militaires témoigne d’une réelle demande des familles dans ce domaine.

Tir militaire, jeu d’adresse. Vers 1900. Détail : la foule au défilé du 14 juillet (Inv. 1984.01448).
Tir militaire, jeu d’adresse. Vers 1900. Détail : la foule au défilé du 14 juillet (Inv. 1984.01448).

Au rebours des stéréotypes, le patriotisme de l’école ne fait que refléter, le plus souvent avec retenue, celui qui imprègne la société.

La Patrie en danger (1914-1918)

L’absence, durable ou définitive, du père et des autres hommes de la famille est, pour les enfants, la première manifestation de l’état de guerre. En partant se battre, les « poilus » n’accomplissent pas seulement leur devoir de citoyens ; ils se sacrifient pour le bien de leurs enfants. Ils les protègent de la réédition du désastre de 1871 et les empêchent d’être victimes de la « barbarie allemande ». De fait, l’image de l’Allemand communément répandue est très dépréciative : sournois, poltron et voleur, il brûle les cathédrales et n’hésite pas à couper les arbres et les mains des petits enfants.

Les enfants sont donc prêts à s’enthousiasmer pour les exploits des « poilus ». C’est souvent grâce à l’école qu’ils peuvent vivre au rythme des évènements. On leur commente les communiqués officiels, on leur fait dessiner des cartes des fronts et les cahiers témoignent des efforts déployés pour mobiliser les jeunes esprits. Si la part faite à la guerre dans l’enseignement varie selon les phases du conflit et selon le tempérament des maîtres, on peut constater combien cet engagement patriotique est communément partagé. En cela l’école ne fait que relayer le discours dominant.

Mais, comme c’était déjà le cas avant la guerre, les livres pour enfants sont souvent bien plus virulents que les manuels scolaires. Sur le thème de la guerre, on édite des beaux livres et de petites brochures, des albums pour les petits et des ouvrages didactiques pour les grands. L’abondance de la production démontre l’importance de la demande. Les jouets aussi donnent des Allemands une image caricaturale et incitent les enfants à s’identifier aux « poilus ». Dans les cours de récréation ou à la maison, avec des accessoires bricolés ou avec de beaux jouets, les enfants remportent des victoires éclatantes sur un ennemi réduit à une caricature sans danger.

Les enfants sont-ils tentés d’imiter les soldats « pour de vrai » ? Les cas réels d’adolescents qui parviennent à s’engager sont très rares, et les histoires que l’on raconte aux enfants relèvent pour la plupart de la légende. La mobilisation des enfants se fait autrement. D’un côté, ils sont des intermédiaires commodes pour atteindre les familles, en particulier lorsqu’il s’agit de favoriser le succès des emprunts de guerre. D’autre part, on les encourage vivement à s’engager dans les oeuvres de guerre ou à soutenir le moral des soldats en adoptant un filleul. Leur apport, loin d’être négligeable matériellement, est aussi pour eux une leçon de civisme.

Devoir d’écriture de Louis Masson. École de garçons de Saint-Germain-en-Laye. 9 janvier 1915 page est manifeste. (Inv. 1999.03715).
Devoir d’écriture de Louis Masson. École de garçons de Saint-Germain-en-Laye. 9 janvier 1915 (Inv. 1999.03715).

« Petits Français, n’oubliez jamais ! » (1918-1939)

Carte postale. Vers 1930 (Inv. 1978.04634).
Carte postale. Vers 1930 (Inv. 1978.04634).

Cette injonction faite aux enfants à la fin de la guerre n’est pas sans ambiguïté : de quoi doivent-ils se souvenir ? De la glorieuse victoire ? Des horreurs de la guerre ?

La célébration de la victoire, étonnamment discrète à l’école, est limitée aux années de l’immédiat après-guerre. Elle se réduit ensuite aux anniversaires de l’armistice, pour lesquels la participation des écoliers est systématiquement requise. Encore ces cérémonies sont-elles plus graves que festives ; elles se tiennent autour des monuments aux morts que l’on érige dans toute la France au début des années 20. Le bilan de la guerre impose le deuil et le recueillement plus que le triomphalisme.

La catastrophe démographique provoquée par le conflit conforte les associations qui, déjà avant la guerre, dénonçaient la dénatalité. Peu nombreuses, elles sont influentes et s’efforcent de promouvoir dans les classes un enseignement nataliste.

La certitude de la culpabilité allemande dans le déclenchement du conflit, quant à elle, fait consensus : elle est réaffirmée avec plus ou moins d’insistance selon les fluctuations du problème des réparations.

Si la guerre a mis fin à la glorification de l’armée, l’école continue à enseigner le patriotisme, en distinguant plus qu’autrefois le vrai patriotisme, pacifique, du chauvinisme belliqueux. Certains cahiers placent de grands espoirs dans l’action pacificatrice de la SDN. Mais, contrairement à ce qui est parfois avancé, le pacifisme militant reste marginal.

Pour le reste, dans les catalogues de jouets et dans les livres pour enfants comme dans les manuels de lecture et dans les cahiers, l’évocation de la guerre se fait vite discrète : on ne prône pas l’oubli, mais la volonté de tourner la page est manifeste.