De Paris à Rouen, ce musée voulu par l’État, dès 1879, à travers deux de ses acteurs –Ferdinand Buisson, directeur de l’Enseignement primaire, et Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts – nous parle d’une histoire à laquelle nous appartenons tous. Les objets matériels et immatériels en lien avec l’Éducation, entendue ici dans son sens large (éducation scolaire, familiale mais aussi extrascolaire) nous permettent de rappeler aux jeunes générations et à chaque citoyen, les enjeux et les combats menés pour le développement d’une instruction publique gratuite. Mais il témoigne aussi des politiques éducatives mises en œuvre afin de réduire les inégalités, et afin de conduire à l’avènement de citoyens plus éduqués, donc plus éclairés, dans l’idéal républicain. Ce musée met à l’honneur des parcours de vie d’élèves et d’enseignants, de pédagogues, de familles, d’éducateurs de la Renaissance à nos jours, et permet de parler de tous les temps de vie de l’enfant, de sa petite enfance à son entrée dans la vie professionnelle.
Lieu de délectation, ce musée nous plonge dans le temps de l’enfance et un sentiment nostalgique nous enveloppe, réanimé par la vision d’éléments du passé. Lieu de savoir, il apprend sur la discipline Éducation, sur l’histoire des pédagogies et sur la didactique des disciplines, offrant aux futurs enseignants un riche panel d’expérimentations, qui peuvent nourrir la pratique enseignante contemporaine soit par adhésion soit par rupture, et aux parents d’élèves des jalons pour mieux comprendre l’institution École. Lieu de partage, le musée aborde des thèmes d’histoire et de société que les habitants d’une nation peuvent alors investir, leur amenant des clefs de compréhension de leur histoire mais aussi des thèmes méritant d’être réfléchis, questionnés et débattus.
Or cette institution nationale a été délocalisée en région, à Rouen, entre 1975 (date du décret ministériel « visant à constituer les fonds d’un musée national d’Histoire de l’Éducation ») et 1979 (date de l’arrivée des collections historiques parisiennes intégrées au fonds rouennais commencé dès 1972 par le CRDP de Haute-Normandie). Dans un mouvement presque précurseur d’aménagement du territoire, avant les lois de décentralisation, la présence d’un musée national en région constitue un nouveau jalon des politiques culturelles françaises. Le musée a réussi à se réinventer face aux réorganisations administratives, quand des modèles équivalents de musées pédagogiques, à travers l’Europe et le monde, n’ont pas toujours pu survivre. À ce titre, considéré par nos collègues européens, historiens et muséographes de l’Éducation comme un modèle, ce musée mérite d’être fêté, nous rappelant que les valeurs qu’il défend touchent au droit fondamental à l’Éducation, et à l’École, comme facteur de concorde républicaine.