Note de lecture
Dans son ouvrage « Des idées à la réforme, Jean Zay et l’expérience des classes d’orientation », Jean-Yves Seguy s’intéresse à l’une des réformes au cœur du projet de l’emblématique ministre de l’Éducation nationale du Front populaire. Pour mener à bien son analyse, l’auteur articule son propos autour de quatre lignes directrices. La première à dimension historique revient sur la période qui précède l’arrivée de Jean Zay au ministère. Séguy fait un tour d’horizon complet des processus qui ont amené l’idée de classe d’orientation : l’école unique, les compagnons de l’université ou encore l’amalgame. Il s’intéresse enfin aux thèmes tels que la réorganisation de la 6e, l’orientation ou bien encore les méthodes actives. S’appuyant sur les propositions initiales, il analyse par la suite le texte de cadrage, les modalités de mise en œuvre de l’expérience. Seguy replace également la classe d’orientation dans un contexte plus large afin de montrer la cohérence du système voulu par Jean Zay. Au cours d’un troisième temps, l’auteur se focalise sur les vifs débats préparatoires de cette réforme. Cela permet d’énumérer les arguments favorables de même que les critiques de l’ensemble des acteurs du monde éducatif mais aussi de faire émerger les interrogations sur le devenir du secondaire. L’ensemble de ces discussions débouche ainsi sur un compromis permettant l’expérimentation des classes d’orientation. Enfin, dans une ultime étape, l’auteur interroge l’expérience, année après année, afin d’en obtenir une photographie la plus précise possible.
Parmi les intérêts de cet ouvrage, la mise en lumière des mécanismes de la réforme constitue un élément majeur. Propositions, texte de cadrage, modalités de mise en œuvre, débats préparatoires sont quelques-unes des étapes incontournables pour fonder la réforme scolaire des classes d’orientation. Leur impact a été bien plus important qu’il n’y paraît au premier abord. De par leurs enjeux, les classes d’orientation ont créé de nouvelles interrogations concernant les aspects organisationnels tels que la place du latin et du grec, les délicates questions de la sélection et de l’orientation mais aussi sur l’émergence de nouvelles pratiques pédagogiques. Comme le montre avec justesse Seguy, Jean Zay avait l’ambitieux projet d’unifier l’enseignement pour refonder la République. En brisant le lien entre destin scolaire et destin social, cette innovation pédagogique apparaît comme le vecteur de justice sociale, de démocratisation et répond aux nécessités économiques. Ces classes d’orientation ont donc ouvert de nouvelles perspectives dans l’enseignement après-guerre.
Un ouvrage rigoureux à recommander à toutes celles et ceux qui souhaitent se replonger dans les débats du monde scolaire de la France de la fin des années trente et qui souhaitent envisager l’œuvre de Jean Zay sous un prisme renouvelé.
Note de lecture de M. Franck Beauvalet,
Professeur des écoles,
administrateur des Amis du Musée national de l’Éducation
des musées de l’école et du patrimoine éducatif